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Violences au sein du couple : pour une consécration pénale du contrôle coercitif

Yvonne Muller-Lagarde (CDPC) et Andreea Gruev-Vintila (LAPPS)

Publié le 23 mai 2022 Mis à jour le 30 mai 2022

Yvonne Muller-Lagarde, Maîtresse de conférences HDR, membre du Centre de droit pénal et de criminologie, et Andreea Gruev-Vintila, Maîtresse de conférences HDR, membre du Laboratoire parisien de psychologie sociale, défendent l’utilité de l’incrimination du contrôle coercitif par le droit pénal français dans un article publié par l’Actualité Juridique – Pénal le 20 mai 2022. La compréhension du contrôle coercitif au cœur des violences conjugales a fait innover la législation d’un nombre croissant de pays, et souligné, suivant la recherche internationale, que l’enfant est également victime des actes de contrôle et coercition exercés contre sa figure d’attachement principale, le plus souvent la mère. Les chercheuses de l’Université Paris-Nanterre ouvrent la voie à l’incrimination du contrôle coercitif selon les principes du droit français.

Les instruments internationaux et européens définissent les violences domestiques, dont les femmes sont majoritairement victimes, comme une violation des droits et libertés fondamentaux de la personne. Cette approche permet de sanctionner les violences physiques et/ou psychologiques exercées par l’un des conjoints sur l’autre mais aussi, de façon plus singulière, son comportement global visant, au travers d’une multitude d’actes quotidiens et en provoquant la peur des victimes, à les contrôler et à les soumettre. Ce comportement théorisé sous le nom de « contrôle coercitif » est incriminé dans plusieurs législations. Yvonne Muller-Lagarde et Andreea Gruev-Vintila présentent le contrôle coercitif, le distinguent de l’emprise et du harcèlement conjugal, défendent l’utilité de son incrimination par le droit pénal français, et rappellent l’évolution du droit dans plusieurs pays qui l’ont érigé en infraction, notamment l’Ecosse. 
 
Les avancées scientifiques des dernières décennies aboutissent au constat que le contrôle coercitif est une meilleure définition des violences conjugales et un prédicteur majeur des féminicides conjugaux, par l’escalade de violence si les victimes « résistent ». En France, le nombre de féminicides s’élève chaque année à l’équivalent de l'attaque terroriste du Bataclan du 13 novembre 2015, l’on compte 213 000 femmes, dont 82% sont mères, victimes de violences conjugales (chiffre 2019 publié par l’Observatoire National des violences faites aux femmes) et 398 310 enfants co-victimes (chiffre 2019 publié par le Haut Conseil à l’Egalité). 
 
En France, la compréhension du contrôle coercitif déclenche un intérêt croissant depuis sa présentation dans le livre L’emprise et les violences au sein du couple (Dalloz) coordonné par Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'Égalité Hommes-Femmes et Eric Martinent, mars 2021 et la conférence internationale interprofessionnelle organisée par Women For Women France en juin 2021, avec une intervention à l’Assemblée nationale - Colloque Enfants au cœur des violences conjugales, novembre 2021, des formations des magistrats à l’Ecole nationale de la magistrature et dans les juridictions, formation des professionnels de la protection de l’enfance, des modules de formations universitaires, thèses, travaux de recherche menées par le Groupe de recherche pluridisciplinaire Représentations sociales et contrôle coercitif à l’Université Paris-Nanterre et dans plusieurs universités françaises. 
 
Outre une meilleure réponse pénale, ce traitement global des violences domestiques permet de refléter la réalité des violences vécues par les victimes, de mesurer la gravité des faits et de prévenir des actes plus graves pouvant aller jusqu’à l’homicide, notamment en cas de séparation, et demande à mieux protéger les enfants. 

Mis à jour le 30 mai 2022